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Puissance 237 : Dr Guy Gweth exhorte le futur président à un sursaut stratégique

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L’élection présidentielle du 12 octobre a ranimé le débat sur la trajectoire stratégique du Cameroun. Dans une entrevue exclusive accordée au Messager n°8621, le Dr Guy Gweth, figure de l’intelligence économique africaine, a livré une analyse incisive des enjeux à travers le prisme de Puissance 237 : pour une stratégie de puissance régionale 2025-2050.

L’auteur y plaide avec ferveur pour l’émergence d’un État stratège armé d’une intelligence économique proactive, seule voie vers une ambition de puissance régionale à l’horizon 2050.

Le mandat de la puissance : une feuille de route en trois phases

À la suite du scrutin, le Dr Gweth a exposé avec précision le mandat qu’il attend du futur président pour transformer la vision de Puissance 237 en réalité. L’ouvrage propose une feuille de route détaillée, structurée autour d’un plan d’action en trois phases : Les Fondations (2026-2033) : Visant à bâtir un socle solide par le renforcement des institutions, l’investissement massif dans le capital humain et la diversification économique. Le Déploiement (2034-2042) : Axé sur l’innovation, l’intégration régionale et une diplomatie active. Le Rayonnement (2043-2050) : Destiné à consolider les acquis pour faire du Cameroun un modèle de développement leader.

Le succès de cette stratégie sera mesuré par des indicateurs précis et ambitieux, incluant le doublement du Produit Intérieur Brut (PIB) par habitant, une progression significative de l’Indice de Développement Humain (IDH), l’attraction d’Investissements Directs Étrangers (IDE) atteignant au moins 15% du PIB, et un score de perception de la corruption supérieur à 70/100. Concernant le financement, dix sources pertinentes sont identifiées, allant de l’optimisation fiscale à la mobilisation rationnelle de la diaspora.

Hard, Soft et Smart Power : la triangulation du leadership crédible

L’expert a fortement regretté le manque d’intégration explicite des concepts de Hard Power, Soft Power et Smart Power par les candidats durant la campagne. Il a souligné que la crédibilité d’un candidat se jouait sur des engagements concrets dans ce triptyque : Le Hard Power nécessitait des garanties d’investissement massif dans l’industrie de défense et l’accélération des infrastructures stratégiques, citant l’exemple du déblocage du Port de Kribi pour accroître la dépendance aux exportations camerounaises. Le Soft Power exigeait des engagements forts pour transformer le pays en un pôle académique africain et promouvoir la culture nationale à l’international. Le Smart Power, enfin, devait se matérialiser par l’engagement à mener une diplomatie économique offensive, transformant les ambassades en outils de promotion du commerce et de l’investissement.

L’intelligence économique, un déficit stratégique majeur

L’analyse des programmes des 12 candidats à la présidentielle a mis en lumière un déficit d’Intelligence Économique (IE) explicite et systémique. Bien que plusieurs propositions (industrialisation massive, lutte contre la corruption, réformes fiscales, souveraineté économique) impliquent une guerre économique et une veille stratégique, le Dr Gweth déplore l’absence de détails sur le dispositif d’IE pour y parvenir. Il a rappelé que l’IE est un « état d’esprit, un dispositif et un processus coordonnés de collecte et d’analyse du renseignement utile à la prise de décision en situation concurrentielle » et a insisté sur le manque de « compétence d’anticipation, de défense, d’attaque et d’influence » au sein de l’élite.

Il a également plaidé pour l’intégration de la souveraineté numérique comme composante essentielle du Hard Power national, ce qui nécessite la transformation stratégique des appareils de renseignement – à l’image des formations qu’il a déjà dispensées à la Direction Générale de la Recherche Extérieure (DGRE) – afin que les « maîtres-espions » deviennent les premiers acteurs de la guerre économique.

Nigeria, première mission et impératif de souveraineté

La première mission internationale du nouveau Chef de l’État devrait, selon l’expert, être la réactivation d’un partenariat stratégique avec la République Fédérale du Nigeria. Cette démarche, qui concrétiserait immédiatement le Smart Power préconisé, est une priorité de sécurité nationale, de géoéconomie et de quête de puissance régionale. L’alliance est jugée « condition sine qua non pour garantir la stabilité » face à la menace asymétrique de Boko Haram, et le marché nigérian, avec ses 230 millions de consommateurs, représente une opportunité commerciale et logistique majeure, notamment dans le cadre de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf).

La clé du succès : l’institutionnalisation de la stratégie

Face au paradoxe entre la brièveté des mandats politiques et la patience stratégique d’un plan à long terme (2025-2050), le Dr Gweth a proposé une solution radicale : l’institutionnalisation d’une vision stratégique indépendante. Pour contrer la personnalisation du pouvoir et la faiblesse institutionnelle, il recommande comme priorité absolue la création d’une structure de pilotage stratégique directement rattachée à la Présidence. Cette entité, qui devrait être un véritable « cerveau stratégique » doté d’une autonomie et d’une autorité légale, est destinée à transformer le renseignement en action politique et à sanctuariser les fonctions stratégiques du jeu partisan.

En conclusion, le Dr Gweth a exhorté le futur président à trois points cruciaux : mobiliser les ressources humaines de premier plan, conclure un nouveau contrat social autour d’un État stratège comme premier acteur de l’intelligence collective, et mettre en place un Bureau d’intelligence holistique pour surveiller, enquêter et conseiller en toute indépendance. L’objectif est de passer d’une gestion réactive à une posture de guerre économique proactive pour que le Cameroun devienne une puissance régionale par la maîtrise du jeu d’échecs planétaire.

Téléchargez l’interview complète ICI.

La Rédaction